Annexes: Après la guerre

Outre le livre: « Au revoir là-haut » de Pierre Lemaître,j’ai utilisé pour cet article les mémoires de Jean MENNEGLIER, mon oncle, déjà citées et celles de ma mère Françoise MENNEGLIER CREUSOT.

La photo de Félicie PAHIN-MOUROT MÜHR, sur laquelle figurent ses petites-nièces Françoise MENNEGLIER et Antoinette GRAVELLE m’a été communiquée par ma cousine Anne MENNEGLIER CLERC

Annexes: Et le 171e?

Je me suis servie pour la première partie de l’article du journal de marche du régiment et des mémoires de Charles Galliet. Le premier tome de celles-ci se terminant à Verdun, et ne possédant pas le deuxième tome, j’ai utilisé ensuite l’historique du 171e RI.

Le fanion a été trouvé sur internet.

ANNEXES: FIN DE LA GUERRE AU BOIS D’AILLY

Les photos illustrant cet articles ont été prises par mes soins au Bois d’Ailly en juin 2013.

Les renseignements sur l’épisode de la tranchée de la soif et sur la bataille de St Mihiel ont été trouvés sur internet.

Ici finit mon récit

Je vous ai raconté une tragédie : on savait dès le départ que le héros de l’histoire ne s’en sortirait pas vivant.

Toutes les épreuves rencontrées l’auront changé, auront transformé le jeune homme insouciant en héros mort pour défendre sa patrie, faisant avec ses camarades un rempart de leurs corps contre l’invasion…

Léon Mühr fut courageux mais n’a été que l’un des 1 400 000 soldats français tués pendant la Grande Guerre : il faudrait trois jours et trois nuits pour les faire tous défiler sur les Champs Elysées !

Ne pas oublier non plus les 4 millions de blessés, voire davantage si l’on en croit certaines sources et si l’on y ajoute les blessés psychiques, moins visibles, dont les familles eurent à souffrir de leurs dépressions post-traumatiques (entraînant  souvent alcoolisme, violences), blessures qui ont laissé des traces dans leur descendance parfois jusqu’à aujourd’hui.

MERCI A EUX !

Si l’on élargit l’angle : la première guerre mondiale a fait  40 millions de victimes dont 19 millions de morts, parmi lesquels plus de 2 millions d’Allemands.

Alors, merci à l’Europe qui rend aujourd’hui inimaginable la prise des armes contre nos voisins et merci à Franz Marc, soldat bavarois mort à Verdun en 1916, qui peut-être fut un des adversaires de Léon dans les tranchées du Bois d’Ailly, de nous avoir laissé ce tableau intitulé « Chevaux bleus », peint en 1910, qui figurait à l’Exposition « LA BEAUTE SAUVERA LE MONDE» au Musée des Beaux Arts de Tournai (2013).

 chevaux bleus_NEWLa beauté sauvera peut-être le monde… mais il y a encore du travail!

Après la guerre

Le 1er août 1921, Félicie Mühr reçut une maigre consolation: le corps de son fils fut transféré à Cusance pour y recevoir une sépulture définitive.

Il avait en effet été décidé en haut lieu que, dans la mesure du possible, les corps des soldats seraient renvoyés à leurs familles. Cela donna lieu à un gigantesque marché de pompes funèbres et plusieurs scandales éclatèrent, d’aucuns ayant trouvé l’occasion de s’enrichir facilement en fournissant, par exemple, des cercueils de moindre qualité ou de dimensions plus réduites que prévu dans l’appel d’offres. Cet épisode a été évoqué dans l’excellent roman (prix Goncourt 2014) : Au revoir là-haut, de Pierre Lemaître.

 Une messe fut sans doute célébrée et l’on édita une nouvelle image pieuse. Puis la vie reprit son cours. A Guillon et à Cusance comme ailleurs.

Image Leon 2

J’ai déjà évoqué dans un article précédent (La vie d’avant) quelles traces restaient de Léon Mühr dans la maison de sa mère veuve qui recevait chaque été en vacances ses petits-neveux Menneglier ceux-ci n’ayant plus, de leur côté, leurs grands-parents maternels.

Françoise et Jean, dans leurs souvenirs, décrivent Félicie Mühr, « la tante Fé », comme une personne peu expansive mais très douce, toujours habillée de noir et coiffée d ‘une fanchon (sorte de bonnet en peluche), à la mode d’avant la guerre. Elle avait une vigne dont elle tirait un vin aigrelet et possédait officiellement un alambic où elle distillait des prunes, ne manquant pas de soustraire une partie de l’alcool à la surveillance des autorités !

1934 presbytere de cusance Felicie Muhr avec 2 nieces (1)

Le dimanche, elle se rendait à Cusance sur son vélo à pignon fixe (sur lequel il fallait sauter puisque les roues et les pédales tournaient en même temps). Françoise écrit même que « le vélo connaissait le chemin » car, affectée par la cataracte, elle n’y voyait plus grand chose. Arrivée au cimetière, ayant comme chaque semaine préparé une brassée de fleurs de son jardin, « elle les mettait dans un vase sur la tombe des siens, arrachait les mauvaises herbes et allait ensuite assister à la messe non sans avoir récité auparavant le De profondis. », relate Jean Menneglier.

Elle mourut en 1937, peu avant la deuxième guerre mondiale, sa maison fut vendue et les souvenirs conservés précieusement par Marie Pequignot et Adèle Menneglier. C’est ainsi qu’ils sont parvenus jusqu’à moi.

 

 

Et le 171e?

Le 12 juin, après une quinzaine de jours passée à alterner les séjours dans les tranchées avant et celles de réserve au Bois d’Ailly, le Régiment quitte définitivement ce lieu de souffrance, par un train pris en gare de Sorcy.

Il rejoint, toujours dans la Meuse, un secteur tranquille : le Bois des Chevaliers. Là raconte Charles Galliet, les soldats se heurtent à des ennemis coriaces : les poux !

Mais « ceux qui avaient passé là avant nous, n’ayant pas connu le continuel souci de la lutte, avaient aménagé pour leur bien-être le terrain dont les coteaux boisés ne convenaient pas aux attaques d’infanterie ; on y trouvait des constructions pour toutes saisons : des cavernes spacieuses dans lesquelles les occupants avaient apporté des pays voisins évacués, des tables, des bancs, des glaces, des livres ; et les installations d’été, en surface, pagodes d’osier, hamacs entre les branches, il ne manquait que des fleurs pour compléter le décor. »

En septembre ce sera le départ pour le front champenois. Le 24 septembre, Joffre donne l’ordre d’une grande offensive dans ce secteur :« Allez-y de plein cœur pour la délivrance du sol de la Patrie, pour le triomphe du droit et de la liberté. » écrit-il.

Mais une fois encore ce fut un fiasco et le 171e perdit son colonel et quatorze officiers.

« Après cette hécatombe de chefs et les deux tiers de l’effectif des hommes perdus, que pouvions nous faire encore ? » dit Charles Galliet.

Encore une vaine offensive !

Le séjour en Champagne, boueuse, pouilleuse, pendant lequel la troupe fit connaissance des gaz asphyxiants et manifesta ses premiers signes d’insubordination, dura jusqu’en juin 1916 où le 171e fut envoyé à Verdun; il participa à cette grande bataille pendant cinq jours seulement, du 23 au 28 juin, mais ce furent cinq jours d’enfer dont voici un petit échantillon (toujours sous la plume de Charles Galliet) :

« Les détonations ébranlaient les cerveaux, surexcitaient les nerfs, les yeux s’enfonçaient égarés sous leurs orbites, les faces tirées devenaient jaunes, les oreilles assourdies (…) nous étions sans volonté, sans appétit, consumés par la fièvre, ne vivant que de l’eau de nos bidons saturée de poudre de café ». L’ordre du Colonel était de « mourir sur place plutôt que de céder un seul pouce de terrain ».

Les pertes à Verdun furent telles qu’une compagnie fut supprimée dans chaque bataillon : triste solution puisqu’il n’était plus possible de combler les pertes par de nouveaux renforts venus de l’arrière.

Le 22 juillet 1916, le 171e RI quitte définitivement la Meuse pour la région de Soisson.

Le 20 septembre, dans la Somme, il résiste à une violente contre-attaque allemande dotée de gros moyens en artillerie, aviation et troupes fraîches.

En mai 1917, le Régiment participe à la bataille du Chemin des Dames et remporte même, encore une fois moyennant de cruelles pertes, certains succès à cet endroit.

De juillet 1917 à janvier 1918, ce sera le difficile et froid secteur des Vosges, où l’on tentera encore d’enfoncer vainement les lignes allemandes.

En mars 1918 reprennent les grands combats, pour le 171e ce sera dans la Somme (Sauvillers, Mongival, Thory) : combats au corps à corps et pugnacité des Allemands qui tentent de reprendre du terrain . Le 1er bataillon, qui fut celui de Léon Mühr, est à peu près anéanti, mais le 4 avril, le 171e RI se trouvant en première ligne et « les actes de dévouement atteignant les limites du sublime », l’offensive allemande est arrêtée. Une fois de plus cette troupe de valeur « a sauvé la situation et bien mérité de la Patrie », ce qui lui vaudra citations et fourragères aux couleurs de la Croix de Guerre.

En juillet 1918 : secteur de Cantigny, où l’on recueille prisonniers allemands et renseignements.

En aôut, les Allemands ayant faibli, ils sont poursuivis et la localité de Montdidier est libérée ainsi que celle de Laucourt (nouvelles prises de soldats allemands).

Puis la position stratégique de la Panneterie sur le canal du Nord est enlevée début septembre malgré la défense opiniâtre de l’ennemi.

Le 24 septembre, en première ligne, de concert avec le 2e Régiment d’Infanterie légère Britannique de Durham, le 171e reprend des positions dans le secteur de Douai, puis au prix de pertes sévères, juqu’au 27 septembre continue à avancer devant St Quentin ; des « coups de main » permirent alors de gagner 1500m de terrain et de faire de nombreux prisonniers. Le 1er octobre, St Quentin est repris et le Lt Pichot du 1er bataillon entre le premier dans la ville.

Jusqu’au 12 octobre, dans ce secteur, il sera encore beaucoup demandé au 171e RI qui finira par tomber enfin sur un village fraîchement abandonné par les troupes allemandes : le bureau de l’ « Ortskommandantur » déserté avec toutes sortes de documents encore en place !

Après un court repos, le régiment se trouvera à La Capelle le 7 novembre où il accueillera les parlementaires allemands venus demander l’armistice :

« A 20h10, la mission de parlementaires allemands est aperçue sur la route venant d’Haudroy. La pemière section de la 3e compagnie est déployée de part et d’autre sur la route. Cinq automobiles avancent à toute allure, les phares sont éclairés, un immense drapeau blanc flotte sur la première voiture, un trompette allemand debout sur le marchepied sonne le « Cessez le Feu ». 

L’historique du 171e RI conclut dithyrambique :

« le Régiment a ainsi le grand honneur de recevoir à ses avant-postes l’Allemand vaincu et démoralisé qui venait implorer l’armistice et la cessation des hostilités.

Soldats du Haut-Rhin, du Doubs et de la Haute-Saône qui composiez à la mobilisation le Régiment ; soldats de toutes les régions de France qui êtes venus combattre sous son glorieux drapeau, vous pouvez être fiers du 171, il a bien mérité de la Patrie.

C’est un Régiment qui s’en va gaiement  (sic) « EN AVANT »

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 Il serait intéressant de connaître combien, parmi les trois mille hommes qui composaient le 171e Régiment d’Infanterie le 1er août 1914, étaient encore en vie et indemnes le 11 novembre  1918!

Le Bois d’Ailly (suite et fin de la guerre)

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Dans cette histoire de Léon et de ses camarades du 171e RI, un rôle non négligeable est tenu par le lieu de la tragédie, presque un personnage à part entière : le Bois d’Ailly.

Que lui est-il arrivé après le 20 mai 1915?

D’abord les combats perdurèrent jusqu’au 22 mai; ce jour là se situe un épisode marquant de cette partie du front : une compagnie du 172e RI, frère du 171e au sein de la Brigade active de Belfort, s’est trouvée isolée de l’arrière et donc sans approvisionnement. Les soldats se battirent avec courage dans la chaleur et la poussière sans pouvoir se désaltérer et furent finalement fait prisonniers par les Allemands. Cet épisode est resté célèbre sous le nom de « la Tranchée de la Soif », une stèle commémorative lui est consacrée sur les lieux.

Ces combats de mai 1915 furent les dernières tentatives françaises pour récupérer le territoire de la « hernie de St Mihiel ». Joffre et son état-major commençaient à comprendre qu’il valait mieux se contenter de garder les positions acquises. Et d’autres soucis les attendaient avec l’attaque en février 1916 de Verdun par les Allemands et la nécessité de placer toutes les forces vives dans la défense de cette place.

Les trois dernières années de la guerre ne virent donc au Bois d’Ailly que de légers affrontements, les Allemands étant bien installés dans des tranchées bétonnées. En 1918, cependant, lorsque les Etats-Unis d’Amérique entrèrent à leur tour en guerre, c’est ce morceau du front qui fut choisi en priorité pour une reconquête. Les 12 et 13 septembre 1918, la 2e division de l’American Expeditionary Force, dirigée par le Général Pershing vint à bout de la poche de résistance allemande. 250 000 hommes – dont 216 000 Américains -, 1444 avions, 3100 canons, 267 chars légers furent nécessaires pour déloger les Allemands de leurs tranchées.

Aujourd’hui, au Bois d’Ailly, subsistent les ouvrages en béton des Allemands, des fossés, traces des tranchées françaises et quelques monuments commémoratifs des sacrifices de la jeunesse française sur cette minuscule portion du front occidental. Les arbres ont repris possession de l’endroit et par un jour de printemps ensoleillé, le Bois d’Ailly est redevenu un joli bois très bucolique, où l’on peine à imaginer le paysage lunaire, les trous d’obus, les arbres déchiquetés et les charniers qui effrayaient tant les soldats remontant au front !

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Annexes: un article de presse

Cadre recopiant l’article, cadeau de Colette Menneglier Géhant, merci à elle, là où elle se trouve à présent!

Site de la BNF

Annexes: tableaux d’honneur

J’ai utilisé pour cet article:

le livre de Jean-Louis Beaucarnot: « Nos familles dans la Grande Guerre

Les « Mémoires d’un Dinosaure » de Jean Menneglier

Croix de Guerre de Léon Mühr, soigneusement conservée dans un album par Françoise Menneglier Creusot

Photo du monument aux Morts de Cusance (Doubs), prise par mon amie Odile Couturier Robin qui s’est rendue sur place exprès: un très grand merci à elle!

Annexes: Deuil

« Nos familles dans la Grande Guerre » par Jean-Louis Beaucarnot

carte postale et image pieuse conservées par Françoise Menneglier Creusot