Bleu, Blanc, Rouge

Comme il faut toujours faire confiance aux artistes pour exprimer l’inexprimable, je reproduis ci-dessous un poème de Paul Verlet (1890-1923), intitulé « Bleu, Blanc, Rouge »,  qui fait écho à l’article précédent (la Mort des Camarades):

Dans les ronces, plié, depuis deux mois déjà,

Raidi, pend ton corps, tel qu’un mauser le figea.

Chaque nuit, mort damné, brave et bon camarade,

Les bombes, les fusants et les deux fusillades,

Avec acharnement reviennent te faucher.

Jamais ils n’ont permis qu’on aille te chercher.

 

Dans ce chaos des deux réseaux qui s’enchevêtrent,

Dans ce jour qui, crûment, te profile à dix mètres,

Par toi déchiqueté, mon frère aux sept douleurs,

Soudain j’ai lu le sens écrit des trois couleurs :

Bleu paisible du ciel que raidit ta capote,

Blanc de ton front de marbre, eau pourpre qui clapote !

 

Et seul, j’ai salué par le trou du créneau

Ton corps décomposé, plus vivant qu’un drapeau.

 

 

(tranchée du Mont-Doyen, mai 1915)

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