Bois brûlé

Dans la nuit du 30 au 31 janvier (vous l’avez déjà remarqué, les mouvements de troupe se font toujours de nuit, pour d’évidentes raisons de sécurité), le 171e RI, tout entier, quitta Vignot pour aller relever dans les tranchées deux bataillons du 172e et un du 95e.

Il allait occuper, dans la forêt d’Apremont,  le secteur du « Bois brûlé » ainsi nommé sans doute en raison d’un ancien incendie, mais qui n’avait jamais si bien mérité son nom !

« Au sommet du Bois brûlé, poudré de neige quand nous y fîmes la relève, écrit Charles Galliet, il ne manquait le dominant qu’un Christ en croix pour en faire un calvaire.

On ne pouvait imaginer plus tragique vision que ce bois massacré, tel qu’il nous apparut sous le plus lugubre des clairs de lune. De ce qui avait été la forêt, il ne restait que les troncs des plus gros des arbres, hêtres et chênes fracassés à hauteur d’homme ; branchages et baliveaux avaient été fauchés par la mitraille pendant six mois de tirs incessants et, plus nombreuses que les troncs des arbres subsistants, c’étaient des croix sur des tertres, des croix au ras du sol, elles mêmes massacrées, couchées dans tous les sens.

Il fallait vivre là! L’homme n’était plus rien, la mitraille était tout ; les mitrailleuses des deux camps balayaient jour et nuit la surface du sol où semblait avoir passé une coulée de lave sur des débris de forêt, et les obus percutaient sans arrêt sur le glacis sinistre, hachant des leurs éclats les abris et les hommes. »

Dans la nuit du 12 au 13 février, les bataillons relevés partirent cantonner à Levoncourt. Le commandement qui savait l’étape rude avait prévu que des voitures seraient mises à la disposition des soldats pour les décharger… mais certains étaient en si piètre état qu’ils y furent eux-mêmes hissés, traversant les villages sous des bâches pour ne pas être vus de la population.

Arrivée au bout de sa route, toute la troupe n’eut qu’une idée: dormir. Les hommes s’écroulèrent sur la paille des granges ; la soupe, déposée par les cusiniers, resta là refroidie jusqu’à leur réveil.

Le lendemain ils seraient vaccinés contre la typhoïde !

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