J’ai évoqué précédemment une toute petite partie du front de la guerre : l’Alsace où servait Léon.
Il me semble qu’il faudrait quand même élargir l’angle et voir comment la guerre a commencé ailleurs, sur le front occidental du moins.
Le mois de juillet 14, après l’attentat du 28 juin à Sarajevo, avait vu une activité fébrile des chancelleries, pas en avant vers la guerre, pas en arrière pour la conjurer.
L’Allemagne, cependant, pays où sévissaient toutes sortes de faucons, voyait là le moment opportun, pour une guerre qui lui permettrait de desserrer l’étau dans lequel elle se pensait enfermée. Mais il fallait éviter de se battre durablement sur deux fronts et en conséquence se débarrasser rapidement de la France, ce qui dans l’esprit des décideurs allemands qui se souvenaient de 1870 ne faisait pas de doute.
Fut donc sorti des tiroirs, tout prêt à l’emploi, le plan Schlieffen (du nom de son auteur, un général allemand mort en 1913) : le meilleur moyen d’envahir la France est de passer par les plaines de la Belgique. Pour cela il faut violer la neutralité du royaume. Qu’à cela ne tienne pensent les responsables allemands, le roi Albert, s’il comprend bien son intérêt ne résistera pas. Un ultimatum est donc adressé le 29 juillet à la Belgique, l’enjoignant de ne pas s’opposer au passage des troupes allemandes, sous prétexte d’attaques françaises… qui n’ont pas encore eu lieu. Le roi des Belges, et le gouvernement, pour l’honneur, refusent ce chantage et ordonnent la résistance ; l’Allemagne qui cherchait à terroriser Bruxelles pour s’assurer son consentement a, au contraire, révolté l’orgueil national et provoqué d’impressionnantes manifestations anti-allemandes.
Les Allemands passent la frontière le 4 août et se retrouvent le 5 devant la ceinture de forts de Liège. Les douze citadelles résistant, l’Etat-major allemand plutôt que d’exposer inutilement ses fantassins amène des canons de gros calibres, produits de l’industrie de la Rhur et dont la taille était si gigantesque que les témoins n’en croyaient pas leur yeux. En quatre jours tous les forts de Liège sont pulvérisés avec leurs défenseurs.
Les appels au secours de la Belgique à la France s’étant heurtés à la sourde oreille du Généralissime Joffre (ce qu’il savait particulièrement bien faire !), ce malgré les objurgations des généraux et du gouvernement français, le Général Selliers, commandant les troupes belges, décida de se replier sur le fort d’Anvers, ce qu’il fera le 18 août après avoir résisté au maximum.
Le retard infligé à leur plan par les troupes belges aux Allemands mit ceux-ci de très mauvaise humeur et ils la firent payer très cher à la population civile belge. Sous prétexte de la présence imaginaire de francs-tireurs, des exactions très graves furent commises contre les civils. Un des plus notables étant l’assassinat à Leuven (Louvain) de 248 civils et la destruction d’une grande partie de la ville y compris sa bibliothèque (siège d’une université catholique, elle a été particulièrement visée pour cette raison, un reste sans doute du Kulturkampf protestant qui avait secoué l’Allemagne récemment unifiée).
Pire encore à Dinant (ville qui me tient à cœur puisque je m‘y suis mariée), 674 civils des deux sexes et de tous les âges ont péri (10% de la population) et la ville a été à peu près réduite en cendres ! Pour la petite histoire, les autorités allemandes n’ont présenté qu’en 2001 leurs excuses officielles à la ville, qui depuis lors seulement place le drapeau allemand sur son pont au milieu des autres drapeaux européens.
Le courage de la Belgique a provoqué en France une vague de reconnaissance qui a fait fleurir dans de nombreuses villes des boulevards des Belges ou des avenues Albert Ier.
La Belgique, en cette fin d’août 1914 n’est pas complètement hors jeu mais n’est plus en mesure d’arrêter la progression de l’armée allemande en direction de la France. La suite de l’histoire dans un prochain article…