Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à Léon Mühr, j’ai interrogé à son sujet la seule personne encore en vie de la génération de ma mère : Colette Géhant.
Celle-ci, la plus jeune des quatre enfants Menneglier, n’avait que très peu de souvenirs au sujet de Léon, si ce n’est que sa tombe se trouvait au cimetière de Cusance et que sa photo y figurait. Mais elle possédait un objet, un petit cadre qu’elle a eu la gentillesse de m’offrir. Il s’agit d’un article paru dans plusieurs organes de presse régionaux, recopié à la main d’une très jolie écriture calligraphiée, décoré de guirlandes de fleurs, mis sous verre et encadré (sans doute par Félicie Mühr) au moyen d’un tissu cousu !
J’ai pensé que ce genre d’article était écrit couramment pour honorer les poilus, aussi quelle n’a pas été ma surprise en fouinant sur internet de trouver l’article reproduit entièrement sur un site dédié au catholicisme pendant la Grande Guerre, et seul dans son genre.
Sans doute la considération dont Léon Mühr jouissait auprès de sa paroisse de Cusance, a-t-elle suscité la rédaction de cet article élogieux dans la presse catholique de la région, à moins que ce ne soit l’entregent de sa tante religieuse, Marthe Pahin-Mourot; Cette rédaction n’échappe pas cependant à quelques approximations : le grand-père de Léon a quitté l’Alsace bien avant la guerre de 1870 et ne l’a donc pas fait pour « ne pas être allemand ». Quant aux grands-oncles « martyrs » de la Révolution, il s’agit bien de prêtres réfractaires au serment, les frères Nachin, mais ils se sont simplement réfugiés dans des grottes, ravitaillés par les villageois, attendant que les choses se calment, ainsi qu’il est souvent d’usage dans le Doubs pendant les périodes troublées !
Voici donc l’article en question, reproduit intégralement :
Un arrière-neveu de deux prêtres martyrs de la Révolution
Le 20 mai 1915, au bois d’Ailly, tombait au champ d’honneur, Léon Mühr, de Guillon-les-Bains, sergent au 171e d’infanterie, cité à l’ordre de la brigade, en ces termes: « Au combat du 20 mai 1915, à la Maison-Blanche, bois d’Ailly, est resté à son poste de combat sous un violent bombardement. A été tué. »
Cette citation donne droit à la Croix de guerre avec étoiles.
Léon Mühr appartenait, par son père, à une très honorable famille alsacienne, comme son nom l’indique. Son grand-père avait quitté sa province pour ne pas être allemand. Du côté maternel, famille Pahin-Mourot, il tenait à notre Franche-Comté, et deux de ses grands-oncles, prêtres, avaient été victimes de la Révolution pour n’avoir pas voulu prêter le serment civique. Avec de telles attaches, le jeune homme ne pouvait déchoir, aussi était-il le modèle des jeunes garçons de la paroisse.
A la tête de la Jeunesse catholique, intelligent, actif, dévoué, Léon Mühr était le bras droit de son curé, et le parti libéral avait en lui un solide appui. Hélas !
la mort a renversé toutes les belles espérances qu’on était en droit de fonder sur lui et laisse inconsolable sa pauvre mère, dont il était, à juste titre, tout l’orgueil.
« Jusqu’au bout, je ferai mon devoir de chrétien et de Français, écrivait-il peu de temps avant sa mort ; je ne crains pas la mort, je suis prêt. »
Faire son devoir de chrétien et de Français. Tout Léon Mühr est dans cette phrase. Aussi ses camarades lui ont-ils rendu ce témoignage d’être pour eux une « force morale ». C’est le plus bel éloge qu’on puisse faire de ce jeune homme au visage si franc et si loyal.
Puisse Dieu lui donner la gloire des élus et à celles qui le pleurent, mère, tante, alliées, la résignation et la force de supporter la douloureuse épreuve comme Léon Mühr l’aurait voulu lui-même : chrétiennement.
Nous offrons aux familles Mühr et Pahin-Mourot nos bien sympathiques condoléances.
( Croix franc-comtoise, Eclair comtois, Dépêche et Semaine religieuse de Besançon.5 décembre 1915)
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