Le déplacement des troupes étant décidé en haut lieu, dans le plus grand secret, l’Etat-major du Régiment est averti de ces mouvements au dernier moment par un ordre qui est recopié fidèlement dans le journal de marche. Tout est prévu jusqu’aux plus petits détails d’intendance, de façon très tâtillonne, ce qui laisse peu de marge de manœuvre au Colonel qui le dirige. Lors du compte rendu ultérieur, il devra expliquer les raisons pour lesquelles le plan n’a pu être complétement respecté.
Ayant séjourné depuis le 18 février dans les villages autour de Commercy, « le temps ayant été uniquement employé à faire des manœuvres sur le plateau au-dessus d’Euville ou à des marches avec chargement complet du côté de Sorcy», note le Caporal-fourrier Madeux, la troupe va reprendre la route le 2 mars. Trois mille hommes vont marcher par compagnies suivant l’itinéraire prévu jusqu’à Sepvigny (« petit village très propre », apprécie le même).
Ils passent par Vaucouleurs, ce qui exalte le patriotisme des jeunes gens bercés depuis leur plus jeune âge aux récits patriotiques, celui de Jeanne d’Arc en particulier : « Le 3 mars, nous partions à pied en direction du sud, nous traversions Vaucouleurs… à ces trois syllabes semblait faire écho le pas cadencé qu’on nous avait ordonné dans la traversée de la petite ville. »
Le cantonnement à Sepvigny est interrompu brusquement le 6 mars (« laissant à d’autres les restes de nos repas » regrette Charles Galliet), la troupe embarquant dans un train de wagons à bestiaux, suffisamment confortables cependant pour des parties de cartes.
« ce n’était pas l’habitude des services de l’armée d’user des transports en chemin de fer pour déplacements sans urgence, toutes les craintes nous étaient permises; alors quand nous fûmes installés dans les wagons, comme nous l’avions fait jadis au départ de Belfort, nous nous penchâmes pour chercher dans la direction prise une réponse à l’interrogation que posait notre angoisse. »
A destination il fut cependant rassuré : il s’agissait de Flin en Meurthe et Moselle, cantonnement de l’arrière du sous-secteur des Vosges.
Il y faisait très froid mais l’accueil des habitants fut chaleureux :
« Au début des hostilités, le pays avait été occupé par les Allemands, puis les troupes françaises étaient revenues ; mais ils n’avaient jamais vu des soldats aussi fatigués que nous parmi ceux qui passaient depuis et régulièrement stationnaient vingt jours chez eux puis vingt jours aux avant-postes. Nous pouvions espérer un semblable repos. »
… mais le repos ne dura que treize jours, le 19 mars ils étaient repartis !