La description des combats du 17 mai au Bois d’Ailly prend cinq doubles pages dans le journal de marche: la violence des combats, l’enchevêtrement des différentes troupes en présence se lisent entre les lignes de cette prose administrative.
Bilan : conquête de deux lignes successives de tranchées ennemies bien défendues, prise de 250 hommes dont 3 officiers et de 3 mitrailleuses.
« Malheureusement les pertes furent sensibles » : 2 officiers tués, 3 autres blessés, 300 hommes hors de combat, parmi lesquels Camille Gillet (cf article précédent : « La lettre de Jules Gillet » )
Résultat jugé insuffisant, il va falloir repartir à l’attaque (« le but de l’opération du 20 mai est d’enlever le 2e objectif qui avait été donné le 17 mai »).
Le 20 mai, à l’aube « les 1èr (celle de Léon)et 2e compagnies, avec le commandant du 1er bataillon (Pedelmas) se rendent à la tranchée de la Maison Blanche »
Les combats feront rage toute la journée et je vais donner à nouveau la parole à Charles Galliet :
« Et puis ce fut l’heure H dans le secteur de la Maison Blanche, l’heure atroce où la mort choisit ses victimes parmi ceux que le sort a jeté dans l’attaque sur le terrain cahotique et nu, arrosé de mitraille, de grenades et d’obus ; l’heure où le cerveau dilaté par tous les bruits de la bataille, excité par l‘action de tous, on bondit, on se terre, on tire, ne sachant plus très bien au juste les gestes que l’on fait…
…Le régiment fit deux cents prisonniers ; mais on ne sut pas le chiffre de ses morts ; la compagnie perdit quinze hommes et treize blessés, et parmi les morts notre petit caporal fourrier bisontin Hintzy de la classe 14, pauvre jeunot qui avait été si heureux de porter à Euville ses galons neufs et qui tombait quatre vingts jours après. Ainsi allaient les destins. »
Ce fut aussi ce jour-là le destin de Léon Mühr.
Sa fiche militaire mentionne en effet : « Au combat du 20 mai à la Maison Blanche Bois d’Ailly est resté à son poste de combat sous un violent bombardement, a été tué. »
Le Lieutenant Colonel Suberbie dans le Journal de Marche écrit tristement :
« Observations :
Les deux attaques faites le 17 et le 20 mai par les mêmes troupes qui occupaient les tranchées et qui n’ont pu prendre aucun repos depuis 4 jours ont été cause d’une fatigue extrême pour ces troupes.
Le Régiment a perdu depuis 4 jours 11 officiers tués ou blessés et plus de 500 hommes . »
Ce qui représentait un sixième de ses effectifs !
« Et c’est ainsi, constate amèrement le témoin Charles Galliet, que dans le grignotage de la guerre coulait goutte à goutte le sang de la jeunesse de France dans une hémorragie journalière que l’arrière ignorait. »